Tribune collective - Libérez Aliou BAH

Nous exigeons la libération immédiate et inconditionnelle de Mamadou Aliou Bah !
« Intellectuels, artistes, responsables de mouvements citoyens et d’organisations de la société civile… Ils sont 220 à se joindre à l’historien Achille Mbembe, directeur de la Fondation de l’innovation pour la démocratie, pour interpeller les autorités de Conakry sur le sort réservé à l’opposant guinéen, accusé d’outrage à Mamadi Doumbouya. » Publié le 06 Janvier 2024 dans Jeune Afrique.
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GUINEE-CONAKRY:
APPEL A LA LIBERATION IMMEDIATE ET INCONDITIONNELLE DE MAMADOU ALIOU BAH
Le 26 décembre 2024, M. Mamadou Aliou Bah, président du Mouvement Démocratique Libéral (MoDeL), a été interpellé a Pamelap. Prestement transféré a Conakry, il a été placé en garde a vue a la Direction centrale des investigations judiciaires de la gendarmerie nationale, puis le 30 décembre, sous mandat de dépôt a la prison centrale de Conakry.
Le 31 décembre, il a été présenté devant le juge du tribunal de première instance de Kaloum. Accusé d’outrage au chef de la junte militaire guinéenne, il encourt une peine d’emprisonnement de deux ans. En attendant le verdict prévu pour le 7 Janvier, il est écroué a la prison de Kaloum.
La dure épreuve infligée a Mamadou Aliou Bah par le pouvoir militaire de transition est un troublant signal d’alarme pour toutes celles et ceux qui, refusant l’exil et la migration, se sont engagés dans la consolidation de l’Etat de droit et de la démocratie en Guinee et sur notre continent.
Elle heurte profondément notre conscience et celle de tous ceux et toutes celles qui militent pour l’élimination de la peur, du déni du droit et de l’insécurité et pour la domestication de la violence dans les rapports entre nos Etats et leurs citoyens.
Mamadou Aliou Bah est poursuivi non pour avoir commis quelque crime que ce soit, mais parce qu’il n’a cessé de réclamer que le gouvernement militaire de transition, bien que non élu, soit comptable devant les citoyens et respecte l’intégralité des engagements pris dans le chronogramme en dix points de la transition.
Sa détention est abusive. Le risque d’un verdict politique qui dénierait ses droits et bafouerait la justice est élevé.
Par cet appel, nous exigeons sa libération immédiate et inconditionnelle.
Nous manifestons aussi notre profonde solidarité a l’égard de tous les acteurs politiques, citoyens, intellectuels, artistes, responsables d’associations civiques et de mouvements citoyens ou membres de la diaspora mobilisés en vue du prompt rétablissement d’un gouvernement civil et de l’Etat de droit en Guinee.
Un moment crucial pour la Guinée et l’Afrique
La Guinée traverse une période critique, marquée par des tensions entre les aspirations démocratiques, le désir de souveraineté et les impératifs de stabilité et de sécurité. Les frustrations socio-économiques et les privations de toutes sortes auxquelles la population guinéenne fait face ne cessent de s’intensifier, tandis que les niveaux de protection contre le manque et la violence d’Etat ne cesse de baisser. La destruction des institutions de la société civile contraste avec la prééminence accordée aux soldats et aux gens d’armes.
Dans l’incapacité de répondre a l’immense clameur des millions de laissés pour compte, la tentation est de remplir les prisons et de contraindre le plus grand nombre a l’exil.
La période de la transition ne saurait cependant donner lieu a l’instauration, dans le pays, d’une nouvelle dictature, fut-elle temporaire. L’Etat guinéen doit surmonter sa tendance historique a la violence et a la brutalité et faire
place aux valeurs fondamentales de débat, d’opposition constructive et de participation citoyenne. Compte tenu de son histoire mouvementée et du bilan désastreux des régimes militaires et civils qui ont exercé le pouvoir depuis 1958, c’est davantage de garde-fous dont la Guinee a besoin, aux fins d’une transition démocratique authentique, inclusive et pacifique.
L’Etat de droit et la démocratie se construisant dans le respect des principes fondamentaux et des droits humains et non dans la peur ou le silence, nous invitons le gouvernement militaire de transition a mettre tout en oeuvre afin que les citoyens guinéens puissent exercer pleinement leurs droits de manière effective, sans crainte de l’arbitraire de l’administration ou de la brutalité des forces de sécurité et des gens d’armes.
Depuis sa prise du pouvoir par la force le 5 septembre 2021, le régime militaire a pris une panoplie de mesures de plus en plus restrictives des libertés publiques et individuelles. Nous l’invitons a les révoquer sans délai. L’indépendance, la souveraineté et le bien-être matériel des Africains ne peuvent pas être garanties en bradant leurs libertés.
Nous attirons particulièrement l’attention des partenaires régionaux et internationaux de la Guinee, en particulier la CEDEAO, l’Union Africaine, l’Union Européenne et l’Organisation Internationale de la Francophonie sur les graves conséquences sécuritaires qu’entrainerait une transition avortée en Guinee.
Par-dessus tout, nous lançons un appel à toutes les forces vives de la société civile tant africaine qu’internationale, ainsi qu’à toutes les personnalités et
organisations engagées dans la défense des droits humains, pour exiger la libération immédiate et inconditionnelle de Mamadou Aliou Bah et prouver qu’il est possible de bâtir un avenir africain fondé sur le dialogue, la justice et la dignité humaine.
Un message d’espoir et de responsabilité
Le chemin vers une Guinée apaisée et prospère passe par la reconnaissance et le respect de la diversité des opinions et par la défense résolue des libertés fondamentales et publiques. C’est la nature profonde de la démocratie de susciter des débats, d’inviter chaque citoyen et chaque citoyenne a donner son opinion, a s’exprimer librement et a voter périodiquement pour les dirigeants et la politique de son choix.
Nous encourageons le gouvernement militaire guinéen a revenir aux fondamentaux de la transition et a créer les conditions d’un dialogue sans exclusive et d’une authentique réconciliation entre toutes les filles et tous les fils de la Guinee. Ainsi contribuera-t-il a bâtir les compromis nécessaires pour dessiner un autre avenir pour le pays.
La transition vers la démocratie ne se résume pas a un simple exercice électoral. Elle est un effort radical de reconstruction et de refondation de la société. Il n’est pas tard pour reconstruire en Guinee un espace de compromis, ni pour engager un processus de décompression. Seules des solutions guinéennes et endogènes permettront de construire des solutions. D’ou la responsabilité des acteurs guinéens et ouest-africains.
Mamadou Aliou Bah est notre frère, notre compatriote, et un symbole de ce que nous pouvons accomplir ensemble.
En exigeant sa libération immédiate et inconditionnelle, nous affirmons notre attachement à une Afrique où la liberté et la participation citoyenne ne sont pas de vains mots, mais des réalités tangibles.
Unissons nos voix pour sa libération et pour la Guinée et l’Afrique que nous voulons léguer aux générations futures : libre, démocratique et inclusive, ou chacun est protégé efficacement contre les abus de pouvoir, l’insécurité physique et alimentaire et le déni de justice !